À retenir
En février dernier, la Commission européenne a présenté le projet de Directive Omnibus destiné à simplifier les réglementations extra-financières (CSRD, CS3D, Taxonomie) avec des propositions telles qu’un report de 2 ans de la CSRD et un relèvement des seuils d’éligibilité. En conséquence, 80 % des entreprises initialement concernées – incluant la majorité des ETI et toutes les PME – ne seraient plus soumises à ces obligations. Ces annonces suscitent des réactions contrastées : certains y voient un moyen de relancer la compétitivité, et d’autres dénoncent un affaiblissement des ambitions écologiques du Green Deal.
Ces évolutions réglementaires s’inscrivent par ailleurs dans une actualité plus large, marquée par une remise en cause croissante des politiques climatiques. Ce contexte pourrait spontanément inciter les entreprises à revoir leurs ambitions climatiques et se mettre dans une position attentiste : nos experts climat vous présentent ici les atouts majeurs à maintenir et renforcer votre action en matière de lutte contre le dérèglement climatique, en accélérant votre stratégie de décarbonation.
8 bonnes raisons d'accélerer votre stratégie climat
1. La Volontary Sustainability Reporting Standard for non listed SMEs (VSME) n'est pas une coquille vide
Publiée en décembre 2024 par l’EFRAG, cette norme a pour objectif initial d’aider les micro-entreprises, PME et ETI à répondre aux demandes des grands donneurs d’ordre assujetties à la CSRD, sans porter la charge de l’intégralité du reporting. Établie selon la même approche que les ESRS de la CSRD, elle se distingue par son caractère volontaire et allégé. Son cadre de reporting est néanmoins assez complet : sur la partie environnementale par exemple, il recommande la publication des émissions de gaz à effet de serre sur les 3 scopes (ESRS E1), et demande des informations sur la pollution de l’eau, de l’air et des sols (ESRS E2), l’eau et les ressources marines (ESRS E3), la biodiversité (ESRS E4) et l’économie circulaire (ESRS E5).
Au-delà de favoriser la transparence vis-à-vis des parties prenantes, les bénéfices de la VSME pour les entreprises sont loin d’être négligeables. Selon le rapport coût-bénéfice publié par l’EFRAG en décembre 2024, les résultats sont sans appel :
- En moyenne, une augmentation de 20 % des ventes aux grands groupes (qui, pour la plupart, restent soumis à la CSRD) ;
- Un bénéfice net estimé à 2,6 milliards d’euros en 2028 pour les PME européennes. Cette progression s’explique par plusieurs facteurs, notamment la réduction des risques opérationnels non systématiquement identifiables dans les rapports financiers et la baisse des coûts (notamment d’emprunt).
2. Réattribuer les ressources prévues à la production du rapport de durabilité vers des actions impactantes
L'objectif du projet Omnibus de la Commission européenne est de « réduire les charges administratives et réglementaires tout en maintenant les objectifs de transition écologique ». Ce « choc de simplification » vise à libérer des ressources financières et humaines pour les entreprises, avec des économies estimées à près de 6 milliards d'euros.
Au-delà des économies financières directes (i.e. : missions de vérification par l’Auditeur de durabilité, consultants externes, outils de reportings, etc.), l’allègement du rapport de durabilité permettra de libérer les ressources mobilisées et les réorienter sur l’action en faveur du climat, comme l’investissement dans une mobilité plus douce pour les collaborateurs ou encore la rénovation des bâtiments. Selon une enquête du C3D , la mise en conformité à la CSRD engendre en moyenne une surcharge de 1 à 2 « Equivalent Temps Plein » (ETP).
Il est par ailleurs important de souligner que la levée des obligations réglementaires n’efface pas les enjeux climatiques auxquels les entreprises (et la société) devront faire face. C’est donc l’occasion de rappeler, avec le très parlant slogan de l’Association pour la transition Bas Carbone (ABC), que le sens de toute démarche climat va au-delà du reporting : “Compter pour savoir, savoir pour agir, agir pour réduire”.
3. Bénéficier des méthodologies et outils éprouvés pour faciliter la structuration de votre stratégie climat
Pour les PME et ETI, qui disposent souvent de moyens limités en matière de RSE, il n’est pas toujours facile de savoir par où commencer dans la mise en place d’une stratégie climat. Au-delà de la Fresque du Climat, qui s’est imposée comme un outil basique efficace de sensibilisation des collaborateurs aux enjeux environnementaux, plusieurs référentiels pertinents peuvent aider les entreprises à structurer une stratégie climat et des actions concrètes adaptées à leur maturité et leurs enjeux :
- La méthode Bilan Carbone® créée en 2004 à l’initiative de l’ADEME, s’est enrichie au fil des années, avec une 9ᵉ version mise en application en 2025. Bien plus qu’un simple référentiel de comptabilité carbone, cette méthodologie vise à « offrir une démarche de transition bas carbone complète et cohérente », en intégrant notamment un plan de transition au cœur de sa méthodologie. Une avancée clé de cette version est l’introduction de plusieurs niveaux de maturité (Initial, Standard et Avancé), permettant aux entreprises de progresser à leur rythme dans la démarche.
- Le Diag Décarbon’Action : lancé en 2021 par Bpifrance en collaboration avec l’Association Bilan Carbone (ABC), s’adresse aux PME et ETI. Cet accompagnement se traduit par un bilan des émissions de gaz à effet de serre (GES), suivi d’un plan d’actions sur mesure. Très efficace pour initier une démarche climat, il présente aussi l’avantage d’être subventionné par l’ADEME à hauteur de 4 000 € HT. Son succès ne se dément pas, avec plus de 2 000 entreprises accompagnées en 2024.
- ACT pas-à-pas : initiée en 2015 par l’ADEME et le Carbon Disclosure Project (CDP), la démarche vise à construire une stratégie climat robuste, intégrant un plan de transition bas carbone. Cette méthodologie se distingue par son approche qui place les enjeux climatiques au cœur de la stratégie de l’entreprise, à travers une analyse des risques et opportunités climatiques et un exercice de prospective interrogeant l’avenir du modèle d’affaire dans un monde bas-carbone à court, moyen et long terme. En tant que méthodologie la plus complète, ACT Pas-à-Pas permet également aux entreprises de répondre à la majorité des exigences de reporting de la CSRD et de la VSME.
4. Réduire vos coûts et renforcer votre compétitivité
L’alignement des intérêts entre la décarbonation des entreprises et leur rentabilité est au cœur des dynamiques de la transition environnementale. L’Union européenne l’a bien compris en faisant de la décarbonation l’un des trois grands axes d’action de la « boussole pour la compétitivité » présentée en janvier 2025. Cela témoigne de la dimension stratégique de la décarbonation qui devient année après année une composante de plus en plus centrale de la performance des entreprises.
Une étude menée par le BCG en 2025 est particulièrement encourageante : 25 % des entreprises constatent une amélioration significative de leur rentabilité (+7 %). Ces gains sont rendus possibles par des baisses de coûts opérationnels résultant de l’optimisation des processus industriels, de la réduction des consommations énergétiques et d’un recours croissant aux énergies renouvelables. En plus d’être plus compétitives, ces entreprises sont plus résilientes car moins exposées à la volatilité des prix des énergies fossiles.
Plus largement, il est important de souligner que le retour sur investissement (ROI) des actions de décarbonation est dépendant de plusieurs paramètres :
- La nature des actions mises en œuvre (sobriété, efficacité, substitution énergétique ou de matières, etc.);
- La maturité des technologies de décarbonation;
- Le secteur d’activité.
Pour construire une stratégie de décarbonation robuste et efficace, le ROI est un indicateur clé qui, croisé avec le potentiel de réduction des émissions, permet de prioriser les actions à déployer et d’anticiper les CAPEX et OPEX associés. Une fois les « quick wins » mise en œuvre, les entreprises peuvent concentrer leurs ressources sur des actions plus transformatrices, telles que l’éco-conception des produits (prise en compte des enjeux environnementaux dès la phase de conception d’un bien ou service, afin d’en minimiser les impacts tout au long de son cycle de vie — en jouant notamment sur les matériaux, la durabilité, la réparabilité ou encore la fin de vie), ou le sourcing bas-carbone (privilégier des fournisseurs, des matières premières ou des modes de transport générant moins d’émissions de gaz à effet de serre, en relocalisant par exemple une partie des achats ou en sélectionnant des intrants recyclés ou issus de filières durables). . . Bien que nécessitant des investissements initiaux plus conséquents, ces leviers offrent un potentiel de décarbonation considérable et s’accompagnent d’opportunités stratégiques.
En revanche, pour ce qui est des modèles économiques, véritablement durables et compatibles avec le respect des limites planétaires, leur rentabilité reste encore largement à inventer. Les entreprises pionnières peuvent toutefois capitaliser sur les bénéfices indirects de la décarbonation, notamment l’attractivité et la rétention des talents, ainsi qu’une chaîne de valeur plus résiliente, moins exposée aux risques environnementaux.
5. Booster votre attractivité
Le « Baromètre des entreprises françaises » 2024 de la CCI révèle que « maintenir ou développer l'engagement des collaborateurs » est le principal défi RH. Croisé avec les résultats de l'étude Beeshake et Act for Now, qui souligne les attentes des collaborateurs vis-à-vis des engagements RSE de leur entreprise, une stratégie de décarbonation renforcée améliorerait l'attractivité de l'entreprise.
Impliquer les collaborateurs dans cette démarche renforce leur sentiment d’être acteurs de la transition, tout en offrant l’opportunité de revoir la gouvernance de l’entreprise et d’accroître leur pouvoir décisionnel. Aussi, la mise en place d’une stratégie climat est vecteur d’attractivité de l’entreprise, notamment pour le recrutement des jeunes talents, dont les exigences environnementales constituent l’un des principaux critères dans leurs attentes : une étude Harris Interactive l’illustre bien : 65 % des 18-30 ans se disaient prêts à renoncer à postuler dans une entreprise qui ne prendrait pas suffisamment en compte les enjeux environnementaux.
6. Se rapprocher de vos fournisseurs et renforcer les liens avec votre chaîne de valeur
Il n’est plus à démontrer l’importance d’une chaîne de valeur robuste pour une activité fluide et pérenne. La pénurie de matériaux en 2023, la hausse des prix des matières premières liée aux incertitudes géopolitiques ou encore la pandémie de Covid-19 ont été – ou sont encore – des rappels forts du risque de dépendance des entreprises à leurs fournisseurs.
Du point de vue de la stratégie climat, sachant que le poste d’émissions “Achats” est très souvent majoritaire dans les émissions de CO2 des entreprises, un véritable engagement de la part de leurs fournisseurs est essentiel. Il permet d’activer de nombreux leviers de réduction des émissions de CO2, souvent hors du champ d’action directe des entreprises. Cela souligne d’ailleurs la question de l’influence que peut avoir une plus petite entreprise (PME ou ETI) sur un donneur d’ordre : sans une collaboration active, il peut être difficile pour ce dernier d’atteindre ses objectifs de décarbonation.
Un bon exemple de cette dynamique est celui du groupe Danone et de la coopérative SCARA. Ensemble, ils ont mis en place un engagement mutuel afin d’éviter que des exigences environnementales ne viennent pénaliser les PME sans contrepartie. Danone s’engage sur une meilleure rémunération des agriculteurs et des contrats long-terme ou encore un financement de certains outils nécessaires à un travail environnementalement plus vertueux. La démarche est collaborative : l’enjeu pour SCARA est de s’accorder sur la vision et partager la finalité des chantiers environnementaux et sociaux entre fournisseurs et donneurs d’ordre. De cette façon, le groupe améliore ses propres performances environnementales sur sa chaîne de valeur, tout en collaborant avec ses fournisseurs pour les leurs.
7. Sécurisez vos marchés et accédez à de nouveaux
Près de 60 % des ETI et PME françaises étant intégrées dans les chaînes de valeurs des grandes entreprises, elles sont directement concernées par l’amélioration de leurs engagements climatiques. Dans son rapport de 2023, le consortium de recherche Net Zero Tracker estime que près de 60 % des grandes entreprises mondiales ont adopté des objectifs de neutralité carbone.
L’achat de biens et services constitue la principale source d’émissions de GES pour la majorité des entreprises, comme mentionné ci-dessus. Il est donc crucial d’engager ses fournisseurs dans la stratégie de décarbonation afin de respecter les objectifs, via l’intégration de clauses environnementales dans les appels d’offres, d’évaluation de la maturité RSE des fournisseurs et sous-traitants (questionnaires, audits, etc.), de certifications environnementales ou encore d’exigences plus spécifiques, comme la réalisation d’un bilan carbone ou la mise en place d’un plan de décarbonation.
Si l’application effective de ces clauses varie d’un donneur d’ordre à l’autre, un nombre croissant d’acteurs accorde désormais une importance majeure aux critères environnementaux dans le choix de leurs fournisseurs. Ainsi, pour une ETI ou une PME, ne pas mettre en place une stratégie de décarbonation ambitieuse représente un risque de pénalité, voire d’exclusion de certains marchés.
Sur le volet des marchés publics, première source de revenus pour près de 30 % des PME et ETI françaises, l’intégration d’un critère environnemental dans les appels d’offres deviendra obligatoire à compter de 2026. Entreprises concernées, il ne tient qu’à vous d’anticiper cette évolution et de faire de votre stratégie climat un levier d’opportunité pour votre activité !
8. Se réapproprier les enjeux de temps long et assurer résilience de votre entreprise
Les conséquences du changement climatique, selon une étude du BCG (“Inaction climatique : le risque d’une chute de 22% du PIB mondial d’ici 2100”) sont déjà très concrètes :
- 1 000 milliards de dollars de coûts liés aux dommages climatiques ont été comptabilisés entre 2020 et 2024;
- Les risques de transition sont de plus en plus présents et suivis par les organisations qui sont bien conscientes que ces impacts ne vont faire qu’augmenter : le PIB mondial pourrait perdre jusqu’à 22 % de sa valeur d’ici 2100;
Il est donc essentiel pour la pérennité d’une entreprise de penser sa stratégie climat en double matérialité : non seulement les impacts de ses activités sur la planète mais aussi les impacts du dérèglement climatique sur celles-ci. Et ce, malgré l’attrait des organisations et des Hommes pour les résultats immédiats, puisque s’engager sur le long terme sera clé pour assurer la pérennité des entreprises.
Anticiper les éventuelles ruptures à plus long terme et investir pour un monde qui reste vivable permet d’éviter la “tragédie des horizons” : le paradoxe du monde financier conscient des risques à long terme et de l’intérêt de s’y préparer, mais continuant de privilégier des investissements plus fructueux à court terme.
Les entreprises capables d’identifier les risques de leur chaîne de valeurs et de les prendre en compte dans les décisions stratégiques long terme en intégrant des mécanismes d’adaptation et d’atténuation, seront celles en mesure d’assurer leur résilience dans un contexte mouvant et incertain. D’où l’intérêt pour les cadres méthodologiques existant cités précédemment, outils clés pour envisager une transition efficace et pérenne.
Il est capital que les entreprises maintiennent leurs ambitions climatiques malgré les récents allégements réglementaires.
Nos experts RSM accompagnent les entreprises dans l’élaboration et la mise en œuvre de stratégies climatiques ambitieuses et efficaces, permettant de maintenir leur compétitivité et leur résilience à long terme.
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