À retenir
Les régulateurs bancaires et financiers ont publié cet automne leur programme de travail pour 2024 : dans un contexte de chocs macroéconomiques, d’accélération de la digitalisation et de la nécessaire transition liée au changement climatique, les fonctions risques et finance seront encore sollicitées et des arbitrages seront probablement à réaliser entre rationalisation des dépenses et investissements nécessaires.
Cinq thèmes prioritaires en 2024 pour l’EBA
La feuille de route de L’EBA (Autorité Bancaire Européenne) s’inscrit dans la continuité d’un plan triennal courant jusqu’en 2026 et va entraîner des changements structurels pour les banques européennes. Elle s’est fixée cinq priorités pour l’an prochain :
- Premièrement, assurer un suivi de la mise en œuvre des évolutions liées à CRR III (Capital Requirement Regulation) : Le texte final est attendu d’ici fin 2023, pour une entrée en application à compter du 1er janvier 2025 : L’une de ses mesures clés est l’introduction du plancher (« output floor ») qui vise à réduire les avantages en termes de fonds propres qu’une banque peut tirer de l’utilisation de ses modèles internes par rapport aux modèles standards et ainsi améliorer la comparabilité des ratios de fonds propres des banques.
- Deuxièmement, garantir la stabilité du secteur financier dans un contexte 2023 marqué par l’inflation, une augmentation des taux d’intérêt et des défaillances d’entreprises. Les secousses liées aux faillites bancaires aux Etats-Unis et en Suisse la conduisent à la revue de sa méthodologie de stress test. La solidité des banques reste une préoccupation majeure et le cadre de la finance soutenable continuera à se renforcer.
- Troisièmement, éliminer des faiblesses structurelles grâce à une stratégie de numérisation et la poursuite de travaux autour de la mise à disposition d’une infrastructure de données commune. La gouvernance des données et la qualité des reporting réglementaires reste à améliorer, sept ans après la date d’application des principes du BCBS239 (Basel Committee on Banking Supervision).
- Quatrièmement, développer des capacités de contrôle portant sur DORA (Digital Operational Resilience Act) et MICAR (Markets in Crypto Assets Regulation). Les obligations de DORA seront applicables à partir du 1er janvier 2025, alors que MICAR le sera au plus tôt à horizon S2 2024-début 2025.
- Enfin, garantir la protection du consommateur, en poursuivant la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB/FT) : ces sujets seront traités avec en point de mire la transition avec l’AMLA (Anti-Money Laundering Authority), qui devrait débuter sa supervision directe en 2026.
Un programme qui s’inscrit dans les priorités prudentielles de la BCE
De son côté, la Banque Centrale Européenne (BCE) a mis à jour ses priorités prudentielles pour 2023‑2025 concernant les vulnérabilités détectées au sein des banques via son mécanisme de supervision unique (MSU).
Premièrement, l’objectif est de renforcer la résilience des banques face aux chocs macro financiers et géopolitiques immédiats liés au conflit en Ukraine. Plusieurs vulnérabilités ont été identifiées, notamment des lacunes dans la gestion du risque de crédit, y compris s’agissant des expositions aux secteurs vulnérables (immobilier commercial et de bureau) et un manque de diversification des sources de financement. Ainsi, la BCE prévoit des examens ciblés sur les procédures d’octroi et de suivi des prêts, en particulier sur l’immobilier résidentiel ; des analyses approfondies des politiques de restructuration ; des enquêtes ciblées sur les modèles internes ou encore des campagnes d’inspection sur place relatives à IFRS9 via ses JST (Joint Supervision Teams).
Deuxièmement, la priorité est de veiller à ce que les banques mettent en œuvre des stratégies de numérisation efficaces et renforcent les capacités de pilotage de leurs organes de direction. Plusieurs déficiences ont été constatées, notamment dans les stratégies de transformation numérique, dans les cadres de résilience opérationnelle, dans le fonctionnement et les capacités de pilotage des organes de direction et enfin en matière d’agrégation des données sur les risques et de déclaration. Ainsi, la BCE espère relancer son programme RDARR (Risk Data Aggregation and Risk Reporting) entamé en 2016 et reprenant les principes définis par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire aux fins de l’agrégation des données sur les risques et de la notification des risques (BCBS239). Dans la perspective d’initiatives à plus long terme, notamment BIRD (Banks' Integrated Reporting Dictionary) et IREF (Integrated Reporting Framework) prévues pour 2027 et ouvrant la voie à un format européen harmonisé de reporting, les travaux de data quality restent un prérequis.
Troisièmement, la BCE souhaite intensifier les efforts de lutte contre le changement climatique. Constatant que les banques ont des expositions significatives aux facteurs de risque physique et de transition, elle prévoit une analyse approfondie des résultats des stress tests climatiques menés en 2022, la vérification du respect de la norme dite « Pilier III ESG » et des inspections sur place ciblées sur des questions liées au climat. La mise en place de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), directive européenne en matière de reporting de durabilité s’appliquant progressivement à compter de janvier 2024, de la SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) et de la taxonomie verte européenne seront ainsi les grands chantiers liés à la finance durable.
De probables arbitrages à prévoir
Confrontées à ce programme chargé, les banques devront en parallèle mener des exercices récurrents comme les « processus de contrôle et d’évaluation prudentiels » (SREP), les stress tests annuels, les AQR (Asset Quality Review) ou encore la production de reporting réglementaires particulièrement coûteux. Dans un contexte de concurrence forte sur un marché en profonde mutation, il est probable que des arbitrages seront faits par les banques pour mener de front leur activité courante et réussir ces programmes de transformation structurants.
Le conseil RSM
Au vu des chantiers réglementaires à prévoir en 2024, RSM recommande, à court terme, d’identifier ceux qui concernent directement votre organisation et de démarrer un gap analysis le cas échéant. La mise en place graduelle de CRR3 reste le chantier prioritaire l’an prochain avec des impacts financiers et opérationnels majeurs. La collecte toujours plus granulaire de données à des fins de reporting financiers et extra-financiers restera une tendance de fonds dans les prochaines années ce qui impliquera de disposer d’une infrastructure informatique adaptée.
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