Le changement climatique n’est plus une préoccupation environnementale lointaine – c’est une réalité quotidienne sur le lieu de travail. Partout dans le monde, les travailleurs des champs agricoles, des chantiers de construction, des centres logistiques et des usines sont de plus en plus exposés à la chaleur extrême, à l’air pollué, aux tempêtes et à d’autres dangers liés au climat. Ces menaces mettent en péril la santé et la productivité des travailleurs à grande échelle.

L’Organisation Internationale du Travail (OIT) avertit que 70 % des 3,4 milliards de travailleurs dans le monde sont désormais exposés à des risques sanitaires liés au climat, allant du stress thermique à la pollution de l’air, en passant par les rayonnements ultraviolets (UV) et les maladies infectieuses. Rien que la chaleur excessive cause déjà près de 19 000 décès de travailleurs et 23 millions de blessures professionnelles chaque année.

Les dirigeants d’entreprises et les communautés commencent à reconnaître que protéger les travailleurs des risques climatiques n’est pas seulement une obligation morale, mais aussi un pilier de la résilience économique.


Principaux dangers climatiques

L’OIT et l’IOSH (Institution of Occupational Safety and Health) mettent régulièrement en avant ces dangers climatiques dans leurs rapports et guidances, soulignant leur importance croissante pour la sécurité des travailleurs, d’autant plus que 1,6 milliard de travailleurs en extérieur sont directement exposés aux extrêmes climatiques (OMS):

1.    Chaleur excessive

L’augmentation des températures moyennes et la multiplication des vagues de chaleur augmentent les risques de maladies liées à la chaleur : stress thermique, déshydratation, voire coup de chaleur mortel. Les travailleurs en extérieur et ceux dans des environnements intérieurs chauds sont particulièrement vulnérables.

Au-delà des impacts sur la santé, la chaleur nuit fortement à la productivité. En 2023, elle a causé la perte de 512 milliards d’heures de travail, entraînant un coût mondial de 835 milliards de dollars (WEF). Les pays à faible revenu avec une forte population de travailleurs en extérieur sont les plus durement touchés, faisant de la chaleur excessive une crise à la fois sanitaire et économique.

 

2.    Mauvaise qualité de l’air

L’augmentation des températures contribue à des niveaux plus élevés de polluants atmosphériques comme l’ozone et les particules fines. L’exposition à ces polluants, aggravée par les fumées des incendies de forêt, peut provoquer ou aggraver des maladies respiratoires (asthme, etc.) et engendrer des lésions pulmonaires à long terme, faisant de la pollution de l’air un danger professionnel majeur à l’origine de jusqu’à 860 000 décès liés au travail chaque année.

En Asie du Sud et en Afrique, les émissions industrielles et le smog lié au trafic représentent un danger quotidien pour les travailleurs en extérieur. En Europe, les incendies comme celui de 2023 en Grèce, qui a brûlé plus de 730 km² et causé plusieurs morts, ont exposé les travailleurs aux fumées toxiques, relevant l’absence de mesures de protection standardisées (AP News, Wildfire Northern Greece).

 

3.    Phénomènes météorologiques extrêmes

Les tempêtes, inondations et incendies sont plus fréquents et plus intenses. Ils représentant des dangers physiques immédiats mais aussi une perturbation des lieux de travail et des infrastructures, augmentant les risques d’accidents.

En octobre 2024, des inondations meurtrières à Valence, en Espagne, ont causé plus de 220 morts et piégé plus de 1 000 travailleurs dans une zone industrielle. Cette catastrophe a révélé de grandes lacunes en matière de préparation aux urgences climatiques (wsws.org).


4.    Rayonnement ultraviolet (UV)

L’augmentation du rayonnement UV constitue une menace croissante pour les travailleurs en extérieur. Une exposition prolongée sans protection adéquate accroît fortement les risques de cancers de la peau, de lésions oculaires et autres troubles liés aux UV.

 

5.    Maladies vectorielles

Le réchauffement climatique élargit la zone géographique des insectes et tiques vecteurs de maladies. Cela augmente le risque pour les travailleurs de contracter des maladies comme la maladie de Lyme ou le virus du Nil occidental. Ce phénomène est particulièrement préoccupant dans les régions où ces maladies étaient jusqu’à présent rares, laissant les travailleurs, les employeurs et les systèmes de santé peu préparés à y faire face.

 

6.    Stress psychosocial et santé mentale

L’incertitude, les interruptions de travail accrues et l’accumulation de facteurs de stress environnementaux contribuent à des troubles de santé mentale tels que l’anxiété, l’épuisement professionnel et le stress chronique.

Les évacuations répétées, les conditions de travail dangereuses et les pressions économiques liées aux événements climatiques ont un impact psychologique important, mais la santé mentale reste largement négligée dans les cadres de gestion des risques professionnels.
 

Construire des lieux de travail sûrs face au climat

Face à l’augmentation des risques climatiques, les entreprises doivent adopter une approche proactive et fondée sur la science pour protéger leurs travailleurs. Renforcer la résilience climatique au travail est désormais essentiel pour un emploi responsable. Les entreprises les plus avancées mettent en place des mesures clés pour protéger la santé, la productivité et le bien-être de leurs salariés :

1.    Aménagement des horaires de travail

Pour protéger les employés des chaleurs extrêmes, les employeurs peuvent planifier le travail pendant les heures plus fraîches (tôt le matin, en soirée) et autoriser des horaires flexibles pendant les vagues de chaleur. Des options telles que des postes plus courts, des pauses fréquentes ou une rotation des tâches sont envisageables.

Ces ajustements peuvent réduire la production à court terme, mais ils préviennent les maladies et les accidents, ce qui soutient la productivité et la sécurité à long terme (weforum.org).

 

2.    Hydratation, ombre et repos

Les employeurs doivent garantir l’accès à de l’eau fraîche, à des zones ombragées et des pauses régulières pour prévenir le stress thermique.

Des mesures telles que des pauses de 15 minutes par heure ou des stations de refroidissement avec ventilateurs ou abris ombragés peuvent considérablement réduire les risques liés à la chaleur (ishn.com).

 

3.    Ventilation et refroidissement des lieux de travail

Les espaces intérieurs doivent améliorer leur refroidissement et la circulation de l’air. Cela passe par l’installation de climatisation, de ventilateurs ou de panneaux rayonnants, et la réduction des sources de chaleur internes.

Ces mesures profitent également à la qualité de l’air intérieur, notamment face aux fumées ou au smog (weforum.org, climate-adapt.eea.europa.eu).

 

4.    Équipements de protection

Les équipements adaptés réduisent les risques climatiques :

  • Gilets rafraîchissants, vêtements anti-UV, chapeaux à larges bords contre la chaleur
  • Masques N95 et adaptation du travail en cas de fumée ou pollution de l’air (sourcenm.com)

Les EPI standards doivent être choisis avec soin pour ne pas aggraver le stress thermique (climate-adapt.eea.europa.eu).

 

5.    Surveillance et alertes

La technologie aide à anticiper les risques :

  • Alertes météo, chaleur, qualité de l’air via applications ou SMS ;
  • Capteurs portables pour détecter les signes précoces de stress thermique ;
  • Drones ou capteurs à distance pour surveiller les conditions sur site.

Ces outils facilitent la prise de décision rapide, par exemple pour interrompre temporairement les activités en cas de chaleur extrême ou de fumée d’incendies (weforum.org).

 

6.    Préparation aux situations d’urgence

Face à la multiplication des tempêtes, inondations, incendies, les entreprises ont besoin de disposer de plans d’urgence climatiques clairs :

  • Procédures d’évacuation
  • Refuges sécurisés
  • Communication de crise
  • Soutien aux travailleurs essentiels

Certaines entreprises proposent des congés payés, aides financières ou soutien psychologique après des catastrophes, et mettent en place des fonds ou des assurances pour couvrir les interruptions liées au climat (weforum.org).


7.    Formation et culture d’entreprise

Les mesures de protection ne fonctionnent que si les travailleurs sont correctement formés et encouragés à les utiliser. Les employeurs doivent les sensibiliser aux risques liés à la chaleur et à la qualité de l’air, et au bon usage des équipements. Une culture de la sécurité doit être mise en avant, et la rémunération ne doit pas pénaliser les travailleurs qui protègent leur santé. Les nouveaux employés ou ceux de retour doivent bénéficier de programmes d’acclimatation progressive (weforum.org).

 

En conclusion : À mesure que les dangers climatiques s’intensifient, la protection des travailleurs et des communautés devient une mission centrale pour les entreprises dans le monde entier. Cette mission dépasse la simple conformité : elle touche à la dignité humaine fondamentale et à la croissance durable.

Chaque lieu de travail protégé contre la chaleur, chaque travailleur formé pour faire face à une journée de fumée d’incendie, chaque politique donnant aux employés le pouvoir de suspendre leur travail en cas de danger : ce sont les fondations d’une économie plus résiliente.

Les entreprises qui investissent dans ces protections ne se contentent pas de prévenir les maladies et les blessures : elles renforcent la loyauté, assurent la continuité de leurs opérations, et incarnent une véritable approche centrée sur l’humain.