Salaire "Excessif" de l'actionnaire-employé : 

 

Êtes-vous à risque ?


Vous êtes actionnaire-employé de votre propre entreprise ? Vous avez peut-être entendu parler du concept de salaire "excessif". Mais savez-vous vraiment ce que cela implique pour votre fiscalité ?


Le principe du salaire « excessif » est une notion de l’administration fiscale visant à éviter que le bénéfice net taxable (art. 57 et 58 de la Loi fédérale sur l'impôt fédéral direct - LIFD) d’une entreprise ne soit entamé par des charges qui ne seraient pas justifiées par l’usage commercial (art. 59 LIFD). Dans cet objectif assumé de préservation de la double imposition économique, l’administration fiscale réintègre, au même titre que les avantages procurés à des actionnaires ou leurs proches non justifiés par l’usage commercial, les distributions de bénéfice, qu’elles soient ouvertes ou dissimulées.


La question est de savoir si l'actionnaire-salarié(e) de sa propre entreprise s'octroie une rémunération justifiée commercialement au regard du marché (principe de pleine concurrence), dans un contexte où la distinction entre les deux rôles pourrait être floue.


Ce que l'administration fiscale surveille


Le principe du salaire "excessif" est simple : l'administration fiscale s'assure que votre rémunération est justifiée par l'usage commercial. Si elle estime que votre salaire est trop élevé par rapport à la valeur réelle de votre travail, elle peut le requalifier en distribution déguisée de bénéfice. Le risque ? Une augmentation du bénéfice imposable de votre entreprise, avec toutes les conséquences que cela implique.


Le salaire excessif n’est autre qu’une distribution dissimulée de bénéfice définie par les articles 20, al. 1, let. c, et 58, al. 1, let. b de la LIFD. Il représente une dépense non justifiée par l'usage commercial et se voit donc ajoutée au bénéfice net imposable. Quatre conditions doivent être remplies pour que le salaire excessif de l’actionnaire-salarié soit considéré comme visant à réduire indûment la double imposition économique et donc requalifié :

  1. Absence de contre-prestation correspondante appauvrissant la société.
  2. Rémunération de l’actionnaire (ou d’une personne proche).
  3. La rémunération n'aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers.
  4. Disproportion manifeste entre la prestation et la contre-prestation, de sorte que les organes de la société auraient pu s'apercevoir de l'avantage accordé.


La méthode "valaisanne" : Une évaluation stricte


Pour évaluer si un salaire est excessif, l'administration utilise souvent la méthode "valaisanne". Cette méthode repose sur des critères précis, comme le niveau de formation, l'expérience, et les performances de l'entreprise. Mais êtes-vous sûr que votre rémunération passerait ce test ?


L’analyse du salaire excessif de l’actionnaire-salarié est avant tout économique, nécessitant une interprétation en tant que telle. À défaut d’une étude de marché détaillée, difficile et coûteuse à mener, le fisc cantonal établit son analyse sur la méthode dite « valaisanne », laissant au contribuable le soin d’apporter une analyse plus complète et adéquate s’il devait en éprouver le besoin.


Adoubée par l’Administration fédérale des contributions (AFC) et par le Tribunal fédéral (TF), la méthode est jugée non arbitraire et adaptée aux circonstances spécifiques de chaque cas, mais sa rigidité inadaptée à des cas d’espèce plus complexes peut être renversée comme nous le verrons plus bas.


La méthode consiste dans un premier temps à déterminer un salaire de base moyen établi sur la base de statistiques qui tiennent compte de la fonction exercée, de l’expérience et de la formation. Dans un second temps, ce salaire de base est augmenté d'une participation au chiffre d'affaires de la société (1 % jusqu’à 1 million, 0,9 % jusqu’à 5 millions et 0,8 % au-delà ; la participation étant doublée pour les sociétés de services afin de tenir compte de la marge brute élevée de ce type de sociétés). Enfin, une variable consistant en une part du bénéfice y est ajoutée ; elle est de 1/3 pour les sociétés employant moins de 20 collaborateurs, et de 1/4 pour les entreprises plus grandes.


Pourquoi devriez-vous vous en soucier ?


Même si l'administration fiscale ne contrôle pas systématiquement chaque salaire, certaines situations peuvent déclencher une enquête, comme une année financière difficile pour votre entreprise. Dans ce cas, vous pourriez vous retrouver à devoir justifier un salaire jugé excessif, avec à la clé une possible requalification lourde de conséquences.


Sur la base de ce qui précède, l’administration fiscale cantonale peut requalifier le salaire remis en question. Quatre types d’impôts sont concernés par les conséquences fiscales qui ressortent de ce redressement, à savoir :

 

  • L’impôt sur le bénéfice : le résultat de la société est augmenté du montant de la distribution dissimulée (i.e. de la partie du salaire jugée excessive).
  • L’impôt sur le revenu : en dehors d’une éventuelle problématique de retenue à la source, aucune différence particulière n’est à noter. Il est même précisé que la Circulaire AFC n°22 (2020, section 2.2.3, p. 3) permet l'imposition partielle (70 %) des dividendes de participation qualifiée (10 %) dans la mesure où la société distributrice a subi un redressement de bénéfice.
  • L’impôt anticipé : en raison de l'absence probable de prélèvement de la retenue de 35 % sur la distribution dissimulée de dividendes, l'administration fiscale peut exiger le paiement rétroactif de cet impôt. Quant à la récupération de cet impôt par le contribuable, elle se fait selon la procédure et les conditions habituelles fixées par la Loi fédérale sur l'impôt anticipé et l’Ordonnance sur l'impôt anticipé.
  • Les cotisations sociales : l'AVS qui a été payée sur l'excédent de salaire peut être réclamée dans un délai d’un an après l'entrée en force de la décision de taxation (art. 16 al. 3 in fine LAVS).


Que pouvez-vous faire ?


Il est essentiel d'anticiper et de préparer une justification solide de votre politique salariale. Des éléments comme les salaires versés pour des postes similaires dans le secteur peuvent vous aider à prouver que votre rémunération est légitime. Mais est-ce suffisant ?


La politique salariale pour l’actionnaire-employé doit en conséquence faire l’objet d’une justification économique approfondie exposant différents arguments, comme la rémunération des personnes de rang et de fonction identiques ou similaires, les salaires versés par d’autres entreprises opérant dans le même domaine, y compris par l’ancien employeur, ainsi que d’autres éléments propres aux caractéristiques de l’entreprise comme à celles de l’actionnaire-employé, laissant ainsi aussi la place aussi à la mise en perspective des résultats de l’entreprise au fil des années.


Et vous, êtes-vous sûr que votre salaire est à l'abri ?


La requalification d’une rémunération d’un actionnaire-employé peut s’avérer déstabilisante face aux autres actionnaires, administrativement lourde quant à sa gestion et sujette à des conséquences fiscales si rien n’est entrepris. La méthode valaisanne constitue le point de départ du fisc pour provoquer une analyse plus poussée et déterminer le salaire « défendable » de celui qui ne l’est pas.


Voulez-vous courir ce risque ? Notre expertise est là pour vous aider à naviguer dans ce labyrinthe fiscal. Contactez-nous pour un conseil personnalisé, et découvrez comment nous pouvons vous aider à sécuriser votre situation fiscale.
 

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